martes, septiembre 17, 2019

Jules Barbey d’Aurevilly / La amante pelirroja














Tomé un día, como dueño, dura amante,
más fiera que un jaguar, más roja que un león.
Ardiente, duramente la amaba, sin ternura,
con posesión la amaba, no con adoración.
¡Era ella mi ardor! La última locura
que atrapa, al ser tocado por edad y desgracia,
y se siente, en el fondo, la juventud perdida…
Pues el sol de los días sube aún en la vida,
y en el corazón se posa.

¡La amaba yo! Jamás tenía suficiente.
“Demonio —le decía— de los amores últimos,
infernal salamandra, de mortal ebriedad,
siempre abrázame, pues son tan frías las almas…
Derrámame en tus fuegos, los fuegos que lamento,
bellos fuegos que, antes, al mirar encendía.
Al soñador haz joven, recalienta al poeta.
Y, pues hay que morir, que muera yo, ¡oh Fillette!,
por tus felinos mordiscos.

Entonces, la tomaba de su corsé de vidrio
sobre mi labio en llamas, que ella inflamaba más,
amaba yo inclinarla, copa ardiente y ligera,
veneno dentro de oro, pelirroja belleza.
¡Y eran los besos…! Jamás, jamás vampiro
chupó el cuello de un niño, encantador y fresco,
como yo lo chupaba, mi pelirroja hetaira,
el labio de cristal donde bebía locura,
y sobre el que ardías tú.

Y entonces sentía yo tu fulminante aliento,
que por el mío pasaba y caía en mi corazón,
borrando allí la pena, la vida redoblaba,
por algunos instantes reavivando el ardor.
Así, Niña de Fuego, amante sin rival,
amaba yo sentirme incendiado por ti,
domir quería —pálida frente, clara faz—,
sobre una brillante hoguera, cual Sardanápalo,
¡y la hoguera estaba en mí!

“Ah, —yo me decía— al menos, nos permanece fiel,
y mi mano siempre la reencontraba, siempre
lista para quien la ama y vive sediento de ella,
y perder busca en su amor a todos sus amores”.
Se van ellas un día, amantes queridísimas…
Por ellas, del Olvido bebemos el veneno,
mientras mi pelirroja, indómita a caricias,
matarnos también puede, ¡a fuerza de ebriedades
pero no por la traición!

Y yo la prefería, feroz, pero sincera,
a esas dulces bellezas, de engañosa sonrisa,
que pagan las lealtades con mentiroso amor…
¡Sabía yo que dormía sobre tal corazón!
El oro derramado, que doraba mi vida,
soleciendo en mi copa, verdadero tesoro,
era, pero jamás para un rato de orgía:
para la eternidad la había elegido yo:
mi amiga hasta la muerte.

Siempre prendida a mí, siempre como una esclava,
—mas el tirano se ata a los hierros que impone—,
por doquier la llevaba, en su frasco de lava,
mi topacio de fuego a punto de explotar…
Yo sentía por ella un amor de corsario,
un amor de salvaje, desenfrenado, ardiente,
tal como el que Hegesipo tenía en su miseria,
el que reemplaza todo, al ser la vida amarga,
y que a Sheridan mató.

Era éste cada vez un amor más implacable,
cada vez más insano y más devorador.
Era como la sed, la sed inexorable
que encendía de Circe en otro tiempo el filtro.
¡Te reconozco yo, voluptuoso suplicio!
Cuando, ¡ay!, el hombre busca en males olvidados
del embrutecimiento la monstruosa delicia…
Y no es —¡Circe!— suficiente jamás, a su capricho,
la Bestia que tus pies lame.

Último y pobre amor, que los felices del mundo
se divierten marchitando en su asco altanero,
mas que debe excusar toda alma profunda
y que un Dios de bondad no querrá castigar.
Para bien apreciar su dulzura engañosa,
cuando todo reluce en el banquete, sería
necesario esconder sus ojos en la sombra
del vaso, y llorado en la sombra, y bebido
lágrima amarga, disuelta.

Una tarde, en silencio, yo bebí dicha lágrima…
Y, al sumergir mi labio en tus labios de oro,
de gustar acababa, ¡oh mi oscura Demencia!,
la ironía y la ebriedad, la valentía incluso.
Águila vengadora el Alma, que en la vida
planea, volvía a mi labio, a su sangrante percha…
Yo iba a recomenzar mi acceso de locura
y de nuevo a reír con desafiante risa…
cuando, de corsé negro,

una mujer, creí que mujer era,
¡después caí en la cuenta cuánto me equivocaba!
Era un ángel, y también era un alma,
hecha de luz y paz, y de restauración.
Entre todos nosotros, encantadora y sola,
tenía los ojos llenos de las piedades todas.
Tomó sus guantes blancos, y dentro de mi vaso
los puso y dijo riendo, con su voz dulce y clara:
“No quiero ya que bebas”.

Y decidió mi vida esa simple palabra,
y fue el golpe de Dios, que cambió mi destino.
Y al decirlo, segura de ser obedecida,
apoyaba su mano castamente en su mano.
Y desde el tiempo aquel fui a buscar la ebriedad
por ahí, no en la copa donde hervía tu veneno,
solitaria hechicera, ¡mi pelirroja amante!
Bello ejemplo de Dios que en su sapiencia puso
sobre el demonio al ángel.

París, 11 de noviembre de 1854

Jules Barbey d’Aurevilly (Saint-Sauveur-le-Vicomte, Francia, 1808-París, 1889), Periódico de Poesía, Universidad Autónoma de México (UNAM), 9 de septiembre, 2019
Versión de Mauricio López Noriega

Ref.:
Club de Pensadores
La Nación
Cervantes Virtual
France Culture

Foto: Félix Nadar/Wikimedia Commons/Revue des Deux Mondes


La Maîtresse rousse

Je pris pour maître, un jour, une rude maîtresse,
Plus fauve qu’un jaguar, plus rousse qu’un lion!
Je l’aimais ardemment, âprement, sans tendresse,
Avec possession plus qu’adoration!
C’était ma rage, à moi! la dernière folie
Qui saisit, — quand, touché par l’âge et le malheur,
On sent, au fond de soi, la jeunesse finie…
Car le soleil des jours monte encor dans la vie,
Qu’il s’en va baissant dans le coeur!

Je l?aimais et jamais je n?avais assez d’elle!
Je lui disais: “Démon des dernières amours,
Salamandre d’enfer, à l’ivresse mortelle,
Quand les cœurs sont si froids, embrase-moi toujours!
Verse-moi, dans tes feux, les feux que je regrette,
Ces beaux feux qu’autrefois j’allumais d’un regard!
Rajeunis le rêveur, réchauffe le poète,
Et puisqu’il faut mourir, que je meure, ô Fillette!
Sous tes morsures de jaguar!”

Alors, je la prenais, dans son corset de verre,
Et sur ma lèvre en feu, qu’elle enflammait encor,
J’aimais à la pencher, coupe ardente et légère,
Cette rousse beauté, ce poison dans de l’or!
Et c’étaient des baisers !… Jamais, jamais vampire
Ne suça d’une enfant le cou charmant et frais
Comme moi je suçais, ô ma rousse hétaïre,
La lèvre de cristal où buvait mon délire
Et sur laquelle tu brûlais!

Et je sentais alors ta foudroyante haleine,
Qui passait dans la mienne et, tombant dans mon coeur
Y redoublait la vie, en effaçait la peine,
Et pour quelques instants en ravivait l’ardeur !
Alors, Fille de Feu, maîtresse sans rivale,
J’aimais à me sentir incendié par toi
Et voulais m’endormir, l’air joyeux, le front pâle,
Sur un bûcher brillant, comme Sardanapale,
Et le bûcher était en moi!

“Ah ! du moins celle-là sait nous rester fidèle, —
Me disais-je, — et la main la retrouve toujours,
Toujours prête à qui l’aime et vit altéré d’elle
Et veut, dans son amour perdre tous ses amours!”
Un jour elles s’en vont, nos plus chères maîtresses;
Par elles, de l’Oubli nous buvons le poison,
Tandis que cette Rousse, indomptable aux caresses,
Peut nous tuer aussi, — mais à force d’ivresses,
Et non pas par la trahison!

Et je la préférais, féroce, mais sincère,
A ces douces beautés, au sourire trompeur,
Payant les coeurs loyaux d’un amour de faussaire!…
Je savais sur quel coeur je dormais sur son coeur!
L’or qu’elle me versait et qui dorait ma vie,
Soleillant dans ma coupe, était un vrai trésor!
Aussi, ce n’était pas pour le temps d’une orgie,
Mais pour l’éternité que je l’avais choisie:
Ma compagne jusqu’à la mort!

Et toujours agrafée à moi comme une esclave,
Car le tyran se rive aux fers qu’il fait porter,
Je l’emportais partout dans son flacon de lave,
Ma topaze de feu, toujours près d’éclater!
Je ressentais pour elle un amour de corsaire,
Un amour de sauvage, effréné, fol, ardent!
Cet amour qu’Hégésippe avait dans sa misère,
Qui nous tient lieu de tout, quand la vie est amère,
Et qui fit mourir Sheridan!

Et c’était un amour toujours plus implacable,
Toujours plus dévorant, toujours plus insensé!
C’était comme la soif, la soif inexorable
Qu’allumait autrefois le philtre de Circé!
Je te reconnaissais, voluptueux supplice!
Quand l’homme cherche, hélas! dans ses maux oubliés,
De l’abrutissement le monstrueux délice…
Et n’est — Circé! — jamais assez, à son caprice,
La Bête qui lèche tes pieds!

Pauvre amour, — le dernier, — que les heureux du monde,
Dans leur dégoût hautain, s’amusent à flétrir,
Mais que doit excuser toute âme un peu profonde
Et qu’un Dieu de bonté ne voudra point punir!
Pour bien apprécier sa douceur mensongère,
Il faudrait, quand tout brille au plafond du banquet,
Avoir caché ses yeux dans l’ombre de son verre,
Et pleuré dans cette ombre, — et bu la larme amère
Qui tombait et qui s’y fondait!

Un soir, je la buvais, cette larme, en silence…
Et, replongeant ma lèvre entre tes lèvres d’or,
Je venais de reprendre, ô ma sombre Démence!
L’ironie, et l’ivresse, et du courage encor!
L’Esprit — l’Aigle vengeur qui plane sur la vie —
Revenait à ma lèvre, à son sanglant perchoir…
J’allais recommencer mes accès de folie
Et rire de nouveau du rire qui défie!…
Quand une femme, en corset noir,

Une femme… je crus que c’était une femme,
Mais depuis… Ah! j’ai vu combien je me trompais!
Et que c’était un ange, et que c’était une âme,
De rafraîchissement, de lumière et de paix!
Au milieu de nous tous, charmante Solitaire,
Elle avait les yeux pleins de toutes les pitiés.
Elle prit ses gants blancs, et les mit dans mon verre,
Et me dit, en riant, de sa voix douce et claire:
“Je ne veux plus que vous buviez!”

Et ce simple mot-là décida de ma vie,
Et fut le coup de Dieu, qui changea mon destin.
Et quand elle le dit, sûre d’être obéie,
Sa main vint chastement s’appuyer sur ma main.
Et, depuis ce temps-là, j’allai chercher l’ivresse
Ailleurs… que dans la coupe où bouillait ton poison,
Sorcière abandonnée! ô ma Rousse Maîtresse!!!
Bel exemple de plus que Dieu, dans sa sagesse,
Mit l’Ange au-dessus du démon!

Paris, 11 novembre 1854

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