miércoles, abril 07, 2010

Apollinaire / Dominios




La hermosa pelirroja

Heme aquí ante todos un hombre lleno de experiencias
Que conoce la vida y de la muerte sólo lo que un ser viviente puede conocer
Que ha sufrido los dolores y las alegrías del amor
Que algunas veces supo imponer sus ideas
Sabedor de muchas lenguas
Que no ha viajado inútilmente
Que ha visto la guerra en artillería e infantería
Herido en la cabeza trepanado bajo el cloroformo
Que ha perdido sus mejores amigos en la espantosa lucha
Conozco de lo antiguo y de lo nuevo tanto como un hombre puede conocer
Y sin inquietarme hoy por esta guerra
Entre nosotros y para nosotros mis amigos
Juzgo esta larga querella entre tradición e invención
Entre orden y aventura
Vosotros cuya boca ha sido hecha a imagen de Dios
Boca que es el orden mismo
Sed indulgentes cuando nos comparéis
A aquellos que fueron la perfección del orden
Nosotros que buscamos por doquier la aventura

Nosotros no somos vuestros enemigos
Queremos entregaros vastos y extraños dominios
Donde el misterio se ofrece en flores a quien desee recogerlo
Hay allí fuegos nuevos y colores nunca vistos
Mil imponderables fantasmas
Que es preciso tornar reales
Nosotros queremos explorar la bondad enorme territorio donde todo calla
Hay tiempos también en que se puede rechazar o volver a atraer
Piedad para nosotros que combatimos siempre en las fronteras
De lo ilimitado y del porvenir
Piedad por nuestros errores piedad por nuestros pecados
He aquí que llega el verano la estación violenta
Y mi juventud ha muerto como la primavera
Oh sol es tiempo ya de la razón ardiente
Y yo la espero
Para seguir siempre su forma noble y dulce
La que ella adopta sólo para que yo la ame
Ella viene y me atrae como a un hierro el imán
Tiene el aspecto encantador
De una pelirroja adorable

Se diría que sus cabellos son de oro
Un hermoso relámpago perenne
O esas llamas que se pavonean
En las rosas té que se marchitan

Pero reíd reíd de mí
Hombres de todas partes sobre todo de aquí
Porque hay tantas cosas que no oso deciros
Tantas cosas que vosotros no me dejarías decir
Tened piedad de mí

[Calligrammes, 1918]

Wilhelm Apollinaire de Kostrowitsky, Guillaume Apollinaire (Roma, 1880-París, 1918), Antología, traducción de Monica Virasoro y René Palacios More, Ediciones del Mediodía, Buenos Aires, 1971


La jolie rousse
Me voici devant tous un homme plein de sens / Connaissant la vie et de la mort ce qu'un vivant peut connaître / Ayant éprouvé les douleurs et les joies de l'amour / Ayant su quelquefois imposer ses idées / Connaissant plusieurs langages / Ayant pas mal voyagé / Ayant vu la guerre dans l'Artillerie et l'Infanterie / Blessé à la tête trépané sous le chloroforme / Ayant perdu ses meilleurs amis dans l'effroyable lutte / Je sais d'ancien et de nouveau autant qu'un homme seul pourrait des deux savoir / Et sans m'inquiéter aujourd'hui de cette guerre / Entre nous et pour nous mes amis / Je juge cette longue querelle de la tradition et de l'invention / De l'ordre et de l'Aventure // Vous dont la bouche est faite à l'image de celle de Dieu / Bouche qui est l'ordre même / Soyez indulgents quand vous nous comparez / À ceux qui furent la perfection de l'ordre / Nous qui quêtons partout l'aventure // Nous ne sommes pas vos ennemis / Nous voulons vous donner de vastes et d'étranges domaines / Où le mystère en fleurs s'offre à qui veut le cueillir / Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues / Mille phantasmes impondérables / Auxquels il faut donner de la réalité / Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait / Il y a aussi le temps qu'on peut chasser ou faire revenir / Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières / De l'illimité et de l'avenir / Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés // Voici que vient l'été la saison violente / Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps / Ô soleil c'est le temps de la Raison ardente / Et j'attends / Pour la suivre toujours la forme noble et douce / Qu'elle prend afin que je l'aime seulement / Elle vient et m'attire ainsi qu'un fer l'aimant / Elle a l'aspect charmant / D'une adorable rousse // Ses cheveux sont d'or on dirait / Un bel éclair qui durerait / Ou ces flammes qui se pavanent / Dans les roses-thé qui se fanent / Mais riez riez de moi / Hommes de partout surtout gens d'ici / Car il y a tant de choses que je n'ose vous dire / Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire / Ayez pitié de moi

toute la poésie

Foto: Apollinaire, 1916

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