Cojín de carne fresca en que nunca amaremos
Mas donde fluye vida y sin cesar se agita
Como el aire en los cielos y la mar en la mar.
Leonardo da Vinci, profundísimo espejo
Donde hechiceros ángeles, con ligera sonrisa
Cargada de misterio, se insinúan en la sombra
De pinos y glaciares que enmarcan su país;
Rembrandt, triste hospital poblado de murmullos
Tan sólo decorado de un crucifijo inmenso,
Donde el lloroso rezo sube de la basura
Y al que un rayo invernal de súbito atraviesa.
Miguel Ángel, espacio donde se ve a los Hércules
Con los Cristos mezclados, y rígidos alzarse
Poderosos fantasmas, que durante el crepúsculo
Desgarran los sudarios engarfiando sus dedos;
Impudicia de faunos, rabia de boxeadores,
Tú que supiste hallar la gracia de los pillos,
Corazón orgulloso, débil hombre pajizo,
Puget, emperador triste de los forzados;
Watteau, ese carnaval donde tantos ilustres
Como las mariposas vagan resplandecientes,
Ligeros decorados que alumbran las bujías
Volcando la locura a esa girante danza.
Goya, atroz pesadilla de cosas irreales,
De fetos que se cuecen durante el aquelarre,
De viejas al espejo y chiquillas desnudas
Ajustando sus medias para tentar al diablo;
Delacroix, rojo lago lleno de ángeles pérfidos,
Al que da sombra un bosque de pinos siempre verdes;
Insólitas fanfarrias bajo un cielo pesado
Pasan, como un suspiro sofocado de Weber;
Esas blasfemias, llantos, esas imprecaciones,
Esos éxtasis, gritos, Te Deums, maldiciones,
Son un eco devuelto por laberintos mil;
¡Para los corazones, un opio de otros mundos!
Una voz que repiten miles de centinelas,
Una orden que transmiten miles de voceadores,
Un faro iluminado sobre mil ciudadelas,
¡Un grito de monteros perdidos en el bosque!
Porque en verdad, Señor, el mejor testimonio
Que podemos mostrar de nuestra dignidad
Es este ardiente grito rodando en las edades
¡Que va a morir al borde de vuestra eternidad!
Charles Baudelaire (París, 1821-1867), Las flores del mal, Alianza Editorial, Madrid, 1984
Traducción de Antonio Martínez Sarrión
Envío de Jonio González
Université François Rabelais de Tours
Ilustración: Charles Baudelaire por Gustav Courbet, c. 1848 (detalle) Musée Fabre
Les phares
Recueil : Les fleurs du mal (1857)
Rubens, fleuve d'oubli, jardin de la paresse,
Oreiller de chair fraîche où l'on ne peut aimer,
Mais où la vie afflue et s'agite sans cesse,
Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer ;
Léonard de Vinci, miroir profond et sombre,
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère, apparaissent à l'ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays,
Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,
Et d'un grand crucifix décoré seulement,
Où la prière en pleurs s'exhale des ordures,
Et d'un rayon d'hiver traversé brusquement ;
Michel-Ange, lieu vague où l'on voit des Hercules
Se mêler à des Christs, et se lever tout droits
Des fantômes puissants qui dans les crépuscules
Déchirent leur suaire en étirant leurs doigts ;
Colères de boxeur, impudences de faune,
Toi qui sus ramasser la beauté des goujats,
Grand coeur gonflé d'orgueil, homme débile et jaune,
Puget, mélancolique empereur des forçats,
Watteau, ce carnaval où bien des coeurs illustres,
Comme des papillons, errent en flamboyant,
Décors frais et légers éclairés par des lustres
Qui versent la folie à ce bal tournoyant ;
Goya, cauchemar plein de choses inconnues,
De foetus qu'on fait cuire au milieu des sabbats,
De vieilles au miroir et d'enfants toutes nues,
Pour tenter les démons ajustant bien leurs bas ;
Delacroix, lac de sang hanté des mauvais anges,
Ombragé par un bois de sapins toujours vert,
Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges
Passent, comme un soupir étouffé de Weber ;
Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes,
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes ;
C'est pour les coeurs mortels un divin opium !
C'est un cri répété par mille sentinelles,
Un ordre renvoyé par mille porte-voix ;
C'est un phare allumé sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois !
Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité !
-Poésie française
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