Conozco la desesperación en sus grandes líneas. La desesperación no tiene alas, no depende necesariamente de una mesa ya destendida en una terraza, en la tarde, a orillas del mar. Es la desesperación, no el retorno de una cantidad de pequeños sucesos como granos que al caer la noche dejan un surco por otro. No es el musgo sobre una piedra o la copa para beber. Es un barco pasado por la criba de la nieve, si les gusta, como los pájaros que caen y su sangre no tiene el menor espesor. Conozco la desesperación en sus grandes líneas. Una forma muy pequeña, delimitada por joyas de cabellos. Es la desesperación. Un collar de perlas para el cual no se podría encontrar broche y cuya existencia no depende siquiera de un hilo, he ahí la desesperación. Del resto ni hablemos. No hemos acabado de desesperar si comenzamos. Yo desespero de la pantalla de la lámpara alrededor de las cuatro, desespero del abanico hacia la medianoche, desespero del cigarrillo de los condenados. Conozco la desesperación en sus grandes líneas. La desesperación no tiene corazón, la mano queda siempre, en la desesperación, sin aliento, en la desesperación de la cual jamás dicen los espejos si está muerta. Vivo de esa desesperación que me encanta. Amo la mosca azul que vuela en el cielo a la hora en que las estrellas canturrean. Conozco en sus grandes líneas la desesperación de largos asombros de granizo, la desesperación del orgullo, la desesperación de la cólera. Me levanto cada día como todo el mundo y me desperezo sobre un papel floreado, no me acuerdo de nada y es siempre con desesperación que descubro los hermosos árboles desarraigados de la noche. El aire de la pieza es bello como palillos de tambor. Hace un tiempo de tiempo. Conozco la desesperación en sus grandes líneas. Es como el viento del telón que me auxilia. ¡Se imaginan semejante desesperación! ¡Fuego! Ah, ellos aún van a venir... ¡Socorro! Helos ahí que ruedan por la escalera... Y los anuncios de periódicos, y los reclamos luminosos a lo largo del canal. Un montón de arena. En sus grandes líneas la desesperación carece de importancia. Es un gravamen sobre los árboles que van aún a formar un bosque, es un gravamen sobre las estrellas que van aún a hacer un día menos, es un gravamen sobre un día menos que va a hacer aún mi vida.
André Breton (Tinchebray, Francia, 1896-París, 1966), "El revólver de cabellos blancos" [1932], Antología, Ediciones del Mediodía, Buenos Aires, 1969
Versiones de Enrique Molina
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Foto: André Breton en su casa de la rue Fontaine, París, 1951, Jacques Cordonnier/André Breton.fr
Le Verbe Être
Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Le désespoir n'a pas d'ailes, il ne se tient pas nécessairement à une table desservie sur une terrasse, le soir, au bord de la mer. C'est le désespoir et ce n'est pas le retour d'une quantité de petits faits comme des graines qui quittent à la nuit tombante un sillon pour un autre. Ce n'est pas la mousse sur une pierre ou le verre à boire. C'est un bateau criblé de neige, si vous voulez, comme les oiseaux qui tombent et leur sang n'a pas la moindre épaisseur. Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Une forme très petite, délimitée par un bijou de cheveux. C'est le désespoir. Un collier de perles pour lequel on ne saurait trouver de fermoir et dont l'existence ne tient pas même à un fil, voilà le désespoir. Le reste, nous n'en parlons pas. Nous n'avons pas fini de deséspérer, si nous commençons. Moi je désespère de l'abat-jour vers quatre heures, je désespère de l'éventail vers minuit, je désespère de la cigarette des condamnés. Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Le désespoir n'a pas de coeur, la main reste toujours au désespoir hors d'haleine, au désespoir dont les glaces ne nous disent jamais s'il est mort. Je vis de ce désespoir qui m'enchante. J'aime cette mouche bleue qui vole dans le ciel à l'heure où les étoiles chantonnent. Je connais dans ses grandes lignes le désespoir aux longs étonnements grêles, le désespoir de la fierté, le désespoir de la colère. Je me lève chaque jour comme tout le monde et je détends les bras sur un papier à fleurs, je ne me souviens de rien, et c'est toujours avec désespoir que je découvre les beaux arbres déracinés de la nuit. L'air de la chambre est beau comme des baguettes de tambour. Il fait un temps de temps. Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. C'est comme le vent du rideau qui me tend la perche. A-t-on idée d'un désespoir pareil! Au feu! Ah! ils vont encore venir... Et les annonces de journal, et les réclames lumineuses le long du canal. Tas de sable, espèce de tas de sable! Dans ses grandes lignes le désespoir n'a pas d'importance. C'est une corvée d'arbres qui va encore faire une forêt, c'est une corvée d'étoiles qui va encore faire un jour de moins, c'est une corvée de jours de moins qui va encore faire ma vie.
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